Ne jamais s’arrêter à des clichés ! Avant de parcourir des yeux l’exposition accueillie à l’Ehpad Le Floret, à Laroquebrou, il vaut mieux s’en débarrasser tout de suite.
L’auteur des photographies exposées dans cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes est une toute jeune femme. Habituée aux selfies et aux poses entre copines ? Pour cette exposition, en tout cas, ça n’a pas été le cas. Enfin… si, un peu : pour prendre en photo ses collègues qui, comme elle, prennent soin des résidents de l’Ehpad. Julie Vaurs a 23 ans. Et déjà une vocation bien affirmée : celle de s’occuper des personnes fragiles.
Et c’est avec une belle détermination qu’elle a pu tester et éprouver sa vocation, dès le mois de mars, dans l’établissement où elle travaille.
Le confinement en arrière-plan
« Dès le 10 mars, le plan bleu a été mis en place à l’Ehpad, limitant fortement l’accès des familles aux résidents. Moins de quinze jours après, on a prié les résidents de rester dans leur chambre, y compris pour tous les repas », se souvient Michaël Reboulin, le directeur de l’établissement.
Privés de leurs habitudes et de leurs repères, les résidents sont, pourtant, l’objet de toutes les attentions du personnel qui se réorganise, tel un cocon protecteur, autour d’eux. Le tout nouveau directeur, arrivé en poste quelques semaines plus tôt seulement, décide d’associer tous les agents et tout le personnel pour assurer le bien-être des personnes âgées, privées des visites de l’extérieur. Un appel à projets est lancé afin de proposer activités, soins ou services aux résidents.
« L’idée d’une gazette a été émise par Julie. Une sorte de petit journal avec la météo de la semaine, des petits jeux, des informations pratiques. Et des portraits qu’elle proposait de réaliser. C’est en fait à ce moment-là que j’ai découvert qu’elle faisait de la photographie. Et qu’elle était aussi très douée pour cela »
MICHAËL REBOULIN (directeur de l'Ehpad Le Floret à Laroquebrou)
Des portraits en noir et blanc
Car en plus d’être une aide-soignante aux petits soins pour la centaine de résidents, Julie cultive une passion pour la photo, une fois la blouse raccrochée. Son regard sensible d’artiste-soignante déclenche l’admiration. Chaque semaine, les portraits des personnes âgées et des agents de l’Ehpad, viennent, par petites touches en noir et blanc, illustrer la gazette. Parfois intimidés mais le plus souvent très souriants, ses sujets se prêtent au jeu, la douceur de Julie lui servant de laissez-passer pour arriver à ses fins.
Un travail de douceur et de complicité
Julie immortalise alors des scènes bouleversantes de tendresse, des gestes et des soins du quotidien, des yeux rieurs ou plus fugueurs. Elle capte et fige, surtout, l’atmosphère de ce drôle de printemps 2020 où les postures et les regards se confondent dans une folle ambivalence : la reconnaissance des uns, la patience des autres.
« J’ai beaucoup aimé faire ces photos. C’était passionnant. Il y a certaines personnes qui n’avaient pas du tout l’habitude d’être prises en photo. C’est touchant ».
JULIE VAURS (Aide soignante et photographe)
Faire durer les poses devant l'objectif
Au printemps les résidents sortent enfin du confinement. Mais les petites attentions, prises pendant cette parenthèse exceptionnelle, durent. Julie continue de faire poser ses collègues et ceux dont elle prend soin. La gazette devient mensuelle et les portraits déjà réalisés commencent à devenir nombreux… L’idée de l’exposition Entre deux âges surgit.
« On avait envie que le grand public voit ces cinquante-quatre portraits. Ils traduisent tout ce qu’il s’est passé, ici, pendant ces derniers mois » sourit Michaël Reboulin.
On y lit beaucoup de choses : ces visages photographiés sont de précieux témoignages
L’exposition est ouverte à tous, familles de résidents et grand public, à Laroquebrou, au rez-de-chaussée de l’Ehpad Le Floret. Ouverte jusqu’au 31 octobre. Port du masque obligatoire pour entrer dans l’Ehpad.
A découvrir au fil de l'exposition Entre deux âges :
Julie Vaurs en pleine séance photo, avec une résidente de l'Ehpad Le Floret.
Stéphanie Barreiros, la complice de Julie, entre décontraction et espièglerie.
Une scène bouleversante d’humanité et pourtant terriblement quotidienne dans un Ehpad. Il y a toute la reconnaissance d’une résidente pour son aide-soignante, dans ce regard et ses mains tendues qui se joignent.
Texte : Marie-Edwige Hebrard
Photos : Jérémie Fulleringer